#28 - Vous reprendrez un café IA — L’espace public dernier refuge des hommes libres ? - Avec Gilles Babinet
Gilles Babinet
Gilles Babinet est entrepreneur, auteur et co-président du Conseil national du numérique. Figure reconnue de l’écosystème digital français et européen, il a fondé plusieurs entreprises dans les secteurs de la tech et de la data. Co-président du Conseil national du numérique, Président de la Mission Café IA, Digital Champion de la France auprès de la Commission européenne et membre du Comité IA, il défend une vision citoyenne et inclusive de la transformation digitale. Conférencier et auteur de nombreux essais, il s’attache à penser l’articulation entre innovation, régulation et projet de société, en plaçant le droit et la culture européenne au cœur du débat sur l’intelligence artificielle..

Description
France Charruyer reçoit Gilles Babinet, entrepreneur et co-président du Conseil national du numérique. Ensemble, ils explorent la genèse des Cafés IA, ces espaces citoyens de débat autour de l’intelligence artificielle, de la démocratie technique et de la souveraineté numérique. Un échange passionnant sur les enjeux d’inclusion, de régulation et de projet politique européen enregistré lors de La Mêlée Numérique 2025 à Toulouse.
Transcription Podcast
France Charruyer
Bienvenue au Causerie Data de Data Ring et j'ai le plaisir et l'honneur de recevoir Gilles Babinet. Bonjour. Bonjour Gilles. Alors j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur les cafés IA. Pourquoi les cafés IA? Pourquoi ça vous a plu? Pourquoi vous lancez ça?
Gilles Babinet
En fait, ça remonte à il y a 7 ans. J'étais parti faire un débat sur la 5G à Tonon-les-Bains. Et le débat s'est très vite envenimé avec des gens qui sont venus avec des sifflets. J'étais très surpris que finalement un sujet technique qui pourrait être un peu enfoui dans les profondeurs de la technique apparaissent comme finalement un enjeu quasi politique et un enjeu de fracture au sein des territoires. Ce qui m'a frappé, c'est que les gens exprimaient la notion de subir et de ne pas pouvoir être décideurs d'enjeux qui les concernent de près, parfois sur des choses qui ne sont pas forcément prouvées scientifiquement, comme la nocivité des ondes, comme le fait d'avoir des risques d'espionnage, etc. Et quand il y a une inquiétude, il faut le traiter, et il faut le traiter de façon politique. Et je me suis intéressé de ça au travers des gilets jaunes, au travers du compteur Linky, Gaspard. Et lorsque l'IA a commencé à devenir un sujet de préoccupation, j'ai très vite dit au gouvernement et au président de la République, c'est vraiment un sujet prioritaire. Il faut absolument qu'on permette aux gens de comprendre et potentiellement d'être des acteurs plutôt que des gens qui subissent.
France Charruyer
Finalement, on est pour un numérique choisi et non subi. Ma question, c'est quels sont les garde-fous que vous envisagez pour garantir la neutralité et la diversité des débats organisés dans le cadre des cafés IA, alors que la démarche va viser environ plus de 2 millions de personnes, je crois, à l'horizon 2027, dans un contexte de polarisation accrue. Comment vous allez faire ça?
Gilles Babinet
Nous, on veut refaire de la politique en ce sens où on veut refaire du débat avec du débat qui est potentiellement d'ailleurs dialectique et confrontationnel. Donc nous, notre métier, ce n'est pas de dire l'IA qui est bien, c'est l'IA comme ci ou l'IA comme ça. C'est de permettre aux gens de comprendre que c'est un sujet complexe qui nécessite d'être abordé avec autre chose que du manichéisme. C'est vraiment ce à quoi on veut parvenir. Et je pense que le fait que le café IA soit déjà un succès, avec des milliers de café IA qui ont déjà été faits sur les territoires.
France Charruyer
Dont le nôtre?
Gilles Babinet
Dont le vôtre. C'est parce que les gens nous respectent, parce qu'ils sont conscients qu'on n'a pas une approche technosolutionniste ou décroissantiste,
mais qu'on accueille ces points de vue à partir des moments où ils sont fondés, d'un point de vue académique ou scientifique.
France Charruyer
De quelle manière cela peut-il devenir, ce café-IA, un espace d'anticipation des risques, notamment en matière de liberté publique fondamentale, le risque de désinformation, le risque de manipulation, de fabrication des consentements? Comment vous allez organiser tout ça?
Gilles Babinet
C'est une très bonne question. On voit que ces risques, finalement, nous sautent à la figure. Tout d'un coup, on se met à en parler dans les médias. Pour une raison assez simple, c'est qu'ils ont été là, parfois depuis des années, des dizaines d'années. Je pense par exemple à la menace informationnelle, ce qu'on appelle les ingérences extérieures. C'est très très longtemps que ça existe, mais on a réalisé que c'est quelque chose de dangereux depuis 2-3 ans. Nous pensons que le débat permet de préempter ces sujets longtemps avant, et permet de construire des consensus qui ne sont pas excessivement précautionneux ou de l'autre côté accélérationniste, mais de la juste nature et qui correspondent à notre culture, la culture européenne sur ses valeurs.
France Charruyer
Quels sont les mécanismes que vous avez prévus pour faire remonter ces propositions citoyennes issues des Cafés IA ?
Gilles Babinet
Dans la charte de Cafés IA, il est prévu qu'on fasse des remontées au gouvernement depuis l'origine et on se bat un peu avec le gouvernement pour que ce soit des vraies remontées. C'est-à-dire qu'ils nous ont dit, on veut avoir des analytics, on veut avoir tous les datas. On leur a dit non, on ne va pas vous donner ça. Parce que moi, j'ai une petite expérience de ça, c'est que ça encombre l'État qui fait du, en bon français, du cherry picking.
France Charruyer
Ou alors un risque d'accaparement.
Gilles Babinet
Exactement, qui va prendre les données qu'ils considèrent l'intéresse et puis qui va neutraliser les autres. Et c'est là où, finalement, on veut avoir notre rôle, c'est être capable de faire ce travail de synthèse et montrer vraiment ce qui remonte en particulier les territoires. On essaie d'éviter d'être un café IA des métropoles.
France Charruyer
Donc une démocratie technique de proximité.
Gilles Babinet
Exactement.
France Charruyer
Maintenant, on a question sur le jeu sur l'Europe. L'Europe, elle est souvent critiquée pour sa lourdeur réglementaire, notamment celle de ses politiques IA. Comment on va résoudre l'asymétrie d'innovation et de compétitivité face aux États-Unis sans sacrifier nos exigences éthiques et de sécurité juridique propre au modèle européen?
Gilles Babinet
Il y a beaucoup de choses à dire. D'abord, je pense que comme nous n'avons plus de projet politique collectif, on est perdu dans une forme de technocratie extrêmement centrée sur la notion de risque. Et il n'y a plus cette espèce d'enthousiasme transcendant qui peut nous permettre de nous dire qu'en fait, on veut utiliser la technologie pour faire quelque chose d'inclusif, de partager, qui nous correspond à tous. Et on voit la projection comme essentiellement quelque chose de risqué. L'Europe est la traduction de ça. L'Europe est aujourd'hui, de mon point de vue, essentiellement technocratique, fait des textes qui sont en conflit les uns par rapport aux autres. On pourrait citer le DGA, le Data Act, le RGPD, l'AI Act, le DMA, le DSA, pour ne parler que de ceci. textes que tout juriste vous dira sont en contradiction les uns par rapport aux autres, et il faut réussir, non pas à déréguler, ce n'est pas du tout l'objectif, mais à construire ces textes à partir d'une impulsion, d'un projet politique, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. À partir du moment où on sait qu'on veut finalement innover, et innover dans une logique d'inclusion, c'est déjà un projet politique. Pour le moment, vous avez un projet qui est essentiellement mercantiliste et économique aux États-Unis, et en Chine, un projet de contrôle. Et donc, évidemment, ce n'est pas nos projets.
France Charruyer
Ça correspond complètement à des sujets de droit.
Gilles Babinet
Ça correspond complètement à des sujets de droit. Mais en fait, le droit est extrêmement puissant en ce sens où il exprime un projet de société. En réalité, on peut prendre tous les droits. Les droits ne sont là que pour exprimer un projet de société. Le code civil, c'est l'idée de dire, en fait, vous savez quoi? Il n'y a plus les nobles et il n'y a plus la plèbe, il n'y a plus qu'une seule classe de citoyens. Et donc, c'est un projet politique très fort qui est exprimé au travers de ça. On est exactement à la même ère à l'égard de l'IA aujourd'hui. Qu'est-ce qu'on veut en faire?
France Charruyer
Pourtant, on est en train de revivre les notions de suzeraineté.
Gilles Babinet
Exactement, mais j'ai peur aussi qu'elle s'exprime entre les sachants qui sont capables d'utiliser la bureaucratie et puis les autres qui n'y comprennent rien et qui sont là pour « subir ». On a fait un débat ce matin où j'ai demandé aux gens de lever la main sur ceux qui pensaient que leur micro les expionnait. Deux tiers, voire les trois quarts, la salle a levé la main, ce qui montre bien que les gens ne comprennent pas ce dont il est question aujourd'hui.
France Charruyer
Votre vision, finalement, dans ce que vous me dites de la démocratie technique, est-ce qu'elle n'implique pas une réforme complète de la gouvernance européenne, du numérique, au-delà du RGPD, au-delà des autres textes, pour anticiper davantage les impacts politiques de l'IA sur la souveraineté européenne?
Gilles Babinet
Totalement. En fait, l'Europe est au milieu du guet. Elle est dans une mauvaise posture sur un caillou glissant. Soit on fait moins d'Europe. C'est évidemment l'Europe de l'extrême droite, des souverainistes, qui n'est pas mon Europe en réalité. Et on retrouve un périmètre d'autorité basé sur les projets nationaux. Soit on fait une Europe fédérale. Pourquoi? Parce qu'aujourd'hui, il y a 27 CNIL, il y a 27 régulateurs des marchés financiers, il y a 27 autorités de la consommation, il y a 27 autorités des médias, etc. Et que ce n'est pas possible d'arriver à faire quelque chose qui soit conforme à ce que souhaitent faire les startups, qui souhaitent développer au travers de l'Europe leur marché. Elles sont obligées d'aller voir 27 régulateurs.
France Charruyer
Justement, dans un contexte, comme vous le sous-entendre, où l'alternance politique, qu'il s'agisse de la France ou de l'Europe, risque de bouleverser nos champions européens sur l'innovation, quel scénario anticipez-vous, quel garde-fou pourriez-vous proposer pour qu'on préserve un écosystème IA compétitif, mais inclusif et résilient?
Gilles Babinet
Pour moi, mais là, on rentre un peu dans la sphère politique. Mon scénario, c'est celui de Mario Draghi, qui est extrêmement clair, très articulé.
France Charruyer
Remettre la réglementation à l'endroit
Gilles Babinet
Aux Etats-Unis il y a une volonté trumpienne dans la réalité d'absence de régulation de réglementation et rien n'est plus dangereux c'est vraiment ce qu'il ne faut pas faire à tel point d'ailleurs que les acteurs même de l'industrie
France Charruyer
l'appellent
Gilles Babinet
parce qu'ils voient bien le danger qu'il y a d'apport à la réglementation mais pour moi la bonne réglementation c'est une réglementation qui est compréhensible le plus compréhensible possible par les citoyens. Quand vous avez une réglementation qui n'est plus compréhensible par les gens de droit qui doivent l'interpréter, vous savez que vous êtes à côté de vos pompes. C'est la situation actuelle.
France Charruyer
Justement, la stratégie européenne actuelle, comment va-t-elle permettre de combler le fossé technologique et industriel dans l'IA? Est-ce qu'il ne faut pas, comme vous venez de le dire, changer d'urgence de paradigme?
Gilles Babinet
Je pense qu'il faut changer le paradigme d'urgence. C'est ce que dit Mario Draghi. Je trouve extraordinaire qu'il continue à se battre à son âge sur ces sujets. Il a fait un bon rapport à cet égard. Mais il faut aussi, on parlait d'Abernasse tout à l'heure, il faut aussi voir que les nations s'expriment dans le temps long. Et que, certes, les États-Unis ont pris beaucoup d'avance, et la Chine aussi d'ailleurs, mais bon, on a du capital humain, on a des valeurs. Il ne faut pas le voir comme des pénalités en réalité. C'est des choses sur lesquelles on peut s'appuyer pour refaire société et pour refaire un projet politique qui nous correspond.
France Charruyer
Comment les CAFÉIA et puis ces actions de médiation citoyenne peuvent-ils concilier l'ouverture à l'innovation et le risque de captation de nos infrastructures stratégiques par des acteurs non européens? Qu'est-ce qu'on peut faire?
Gilles Babinet
Le fait de comprendre, c'est qu'aujourd'hui, il y a un débat sur la souveraineté que je trouve intéressant, mais parfois qui confond un peu les choux et les carottes. C'est-à-dire que ce n'est pas parce qu'on a un data center sous les yeux qu'on est souverain. La data peut très bien être ailleurs et on est malgré tout souverain. Par exemple, un exemple très simple, c'est que les Estoniens considèrent que pour eux, la souveraineté, c'est d'avoir toutes leurs données chez AWS, chez Amazon, parce que s'ils sont envahis par les Russes, ça continue à fonctionner. Et donc, avoir une compréhension, finalement, de ce qui fait qu'on est capable de décider soi-même, ça passe par des enjeux technologiques, ça passe par des enjeux de culture, des enjeux de compétence, des enjeux de résilience, des enjeux d'amélioration aussi. Il faut être capable de, je crois, repenser le temps long. Une société qui est perdue ne pense plus le temps long. Elle pense...
France Charruyer
Alors que nous sommes dans l'immédiateté, permanente.
Gilles Babinet
Voilà, elle pense immédiatement. Moi, ce qui me frappe dans la Silicon Valley, c'est que certes, ils investissent à coups de milliards et ils font des annonces tous les trois mois.
France Charruyer
La force brute.
Gilles Babinet
Le projet, c'est quand même de faire de l'intelligence artificielle générale. C'est d'avoir une vision sociale où il y a, par exemple, Sam Altman qui finance UBI, Universal Based Income, le revenu universal, parce que lui, il est convaincu qu'on va avoir tellement de productivité qu'il n'y aura plus de travail demain. Donc ça montre bien qu'il y a quand même une vision, je dirais, utopique de long terme là-dessus. Et moi, ce n'est pas mon projet, pour des tas de raisons, mais je pense que là où je pense qu'ils ont un point sur nous, c'est qu'au moins ils pensent. Ou nous, nous avons peur en réalité. Donc il faut avoir une sorte de joie candide qui nous pousse à aussi bien réguler qu'innover.
France Charruyer
Quelle place la question environnementale, Green Eye et la régulation éthique selon vous, doivent-elles tenir dans la prospective européenne de l'IA face au modèle sino-américain?
Gilles Babinet
C'est exactement la bonne question. La question, c'est comment nous, on fait notre projet, qui est notamment, que ce soit social ou environnemental, mais de prendre en compte ces externalités et d'utiliser ces gains de productivité pour les mobiliser sur ces sujets. Toutes les nations sont confrontées au même enjeu du réchauffement climatique. On ne peut pas y faire abstraction. Les enjeux de dépendance, de vieillissement de la population et les enjeux de fractionnement de la population également. C'est-à-dire que la société technologique libérale nous a poussés à granulariser. On peut littéralement rester chez soi sans parler à personne. Et en plus avoir le sentiment de comprendre la complexité du monde. Ce qui est faux en réalité. Et on doit être dans une... S'il devait y avoir un projet post-libéral, je pense que ce n'est pas un projet nécessairement autoritaire, mais c'est un projet qui nous remet ensemble. La technologie peut aussi faire ça. à condition qu'on la mobilise fortement pour faire ce genre de choses.
France Charruyer
Justement, est-ce que vous pensez que le secteur public, via l'intelligence artificielle générative, mais pas que, est-ce que ça peut devenir sérieusement le moteur de la transformation numérique et garantir la confiance des citoyens, ou est-ce que c'est une utopie politique?
Gilles Babinet
C'est probablement une utopie politique, mais souhaitable. La réalité, c'est qu'aujourd'hui, le fait qu'il n'y ait pas de perspective, de projet politique, fait que tout le monde rentre dans une crispation. Crispation sur mon job, crispation sur mes valeurs.
France Charruyer
Retrait, repli.
Gilles Babinet
Crispation sur un noyau qui est de plus en plus petit, qui est une sous-cellule familiale en réalité. Si on arrive à recréer une utopie collective positive, je pense qu'on décrispera très largement et on acceptera d'avoir des réformes de fonds sur la fonction publique, la débureaucratiser en particulier, et faire en sorte qu'on ait une fonction publique qui soit à juste place. Mais je pense que la raison pour laquelle on est aujourd'hui très attiré par la bureaucratisation et la complexification des instances publiques, c'est que finalement c'est un peu le dernier lieu où s'exprime le bien commun, en réalité.
France Charruyer
Alors est-ce qu'avec les communs numériques ou juridiques, on peut arriver à faire quelque chose? Je vois beaucoup de data space qui surgissent un peu partout, un legal data space assez prometteur. Je me pose la question des basculements. On a l'impression qu'on ne sait pas d'où on va. On fait plein de choses, plein d'initiatives, intéressantes certes, mais rien d'organisé, comme vous venez de le dire. Qu'est-ce qu'il faudrait qu'on fasse? Quels seraient les basculements décisifs à acter dans la prochaine décennie?
Gilles Babinet
Il faut une intégration de la régulation, aussi bien géographique qu'endroit. Je pense qu'il faudrait qu'il y ait des gens qui reviennent dans une logique moins centrée sur le droit académique, mais plus sur les usages sur ces sujets-là, et qu'on reprenne tous ces textes que j'ai évoqués tout à l'heure, et qu'on essaye de voir où sont les principes de ces textes.
France Charruyer
Être davantage à l'écoute de ceux qui font lire, de ceux qui la choisissent aussi. Voilà.
Gilles Babinet
Leslie C, qui était un constitutionniste américain, disait « Code as law ». Je pense que à côté du droit, on devrait faire des théories de code, pour donner des exemples de la façon dont ça fonctionne. Ça serait probablement des guides très, très...
France Charruyer
Sans tomber dans la société mécanique.
Gilles Babinet
Non, bien sûr, puisque c'est le droit qui prévaut.
France Charruyer
Je dirais même que c'est le projet politique qui prévaut. C'est le projet démocratique.
Gilles Babinet
Voilà, c'est ça. Il y a une traduction en droit. Normalement, la traduction doit être naturelle. Encore une fois, je reviens à cet exemple du code civil. Le code civil, c'est très puissant sur ce que ça veut dire de la société qu'on veut.
France Charruyer
On n'est pas en mode Thanos, claquement de droit, Trumpien, matinal. Alors, je pense que par rapport à leur projet politique, c'est cohérent.
Gilles Babinet
Mais ce n'est pas le mien du tout. Il est le nôtre. Oui, ce n'est pas le vôtre non plus. Mais il y a une cohérence en réalité là-dessus. Quand je dis que je ne veux pas de régulation, en fait, je veux une société accélérationniste très inéquitable.
France Charruyer
Je crois à la loi du marché.
Gilles Babinet
Voilà, très inéquitable parce que basée sur une loi de la concentration du marché.
France Charruyer
La main invisible du marché qui va tout réguler naturellement.
Gilles Babinet
C'est totalement, c'est haine rentien. Ça correspond totalement à cette vision du monde qui est, à mon avis, une brutalité sans nom. Mais néanmoins, ça a une cohérence.
France Charruyer
Le retour de la violence dans nos sociétés plus que jamais.
Gilles Babinet
La violence légitime a un point, d'ailleurs, c'est une violence légitime et arbitraire.
France Charruyer
On va essayer de rêver ensemble. Qu'est-ce que vous aimeriez-vous demain, là,
tout de suite? Si vous aviez une baguette magique législative ou politique?
Gilles Babinet
Moi, je l'ai dit tout à l'heure, mais Draghi.
France Charruyer
Simplifiant. L'éloge de la simplicité et de la lenteur.
Gilles Babinet
Oui, mais aussi la réforme forte des institutions européennes avec des transferts de souveraineté importants. Et je pense avec vraiment au cœur l'idée de système citoyen. Et le code porte ça en soi. C'est-à-dire que le code peut potentiellement réunir les gens, les remettre ensemble. Il faut qu'on soit dans une société qui prenne en compte les externalités et on ne peut le faire qu'ensemble. C'est-à-dire que trier ses déchets, c'est vraiment tout en bas de l'échelle de valeur. Si on veut que ça fonctionne, il faut qu'on aille s'occuper de nos vies ensemble, qu'on aille s'occuper des territoires ensemble. Et c'est qu'en refaisant de la... Appelez ça comme vous voulez, moi j'appelle ça l'armée suisse du numérique, qu'on arrivera finalement à recréer une société où les gens se sentiront bien.
France Charruyer
Merci beaucoup Gilles. C'était les Caféia pour Data Ring. Pour que le vivre ensemble ait un sens, il va falloir passer à l'action.
Gilles Babinet
Merci. Merci.
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